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  • Photo du rédacteurMathilde ROUX

Gary sa mère !

Dernière mise à jour : 17 mai 2020


Ma première rencontre avec Romain Gary, né Romain Kacew (prononcez comme vous voulez) à Vilnius, alors en Russie, le 21 mai 1914 (Gémeaux donc: inventif et volatile) et suicidé à Paris le 2 décembre 1980, a eu lieu il y a vingt et un ans. J'avais donc dix-neuf ans à l'époque (40-21=19) et j'observais le milieu hétéroclite, très nouveau pour moi, de la prépa toulousaine à l'École des Chartes tout en dissertant sur le sujet suivant: "En quoi Louis le Pieux a-t-il influencé l'industrie du sommier à lattes ?". Bizutage mon amour.

Ne me demandez pas ni comment ni pourquoi (en même temps on s'en fiche un peu) mais je m'étais retrouvée dans un bus avec un "carré" (élève étudiant en deuxième année de prépa. Mon N+1. Mes N+2 se faisant appeler des "cubes". Mon éditrice était d'ailleurs une cube. Depuis, elle a arrondi les angles.) que je connaissais peu et avec lequel je me mis à parler littérature.


Ce fameux carré que nous appellerons Firmin, le pauvre, m'expliquait que son auteur favori était Gary parce que l'auteur décrivant le mieux la tendresse.

C'est beau la tendresse. Je me suis donc dit qu'il fallait que je découvre dare-dare cet écrivain talentueux. Quatorze ans plus tard, ne voilà-t-il pas que l'ami Tom m'offre son livre favori pour mes trente-trois ans (19+14= 33), j'ai nommé la Vie devant soi. ?!

Incroyable, bien que tardive, coïncidence n'est-il pas ?

Quatorze ans et cinq jours plus tard, j'avais dévoré ce prix Goncourt 1975.

L'histoire de Momo, un enfant arabe abandonné, et de Madame Rosa, une vieille femme juive au coeur immense qui accueille les enfants en détresse. "Madame Rosa aurait peut-être donné Banania à l'Assistance mais pas son sourire et comme on ne pouvait pas l'un sans l'autre, elle était obligée de les garder tous les deux".

On est immédiatement happé par le style faussement naïf et drôle de l'auteur. Il me semble depuis que Gary se donne immédiatement. Selon l'expression consacrée, que l'on "rentre" facilement dans Gary.


Lisez plutôt:

"Elle n'avait qu'à me donner une claque pour me punir, c'est ce qu'une mère doit faire quand elle vous remarque. Mais elle s'est levée, elle est allée au comptoir et elle m'a donné encore un oeuf. Et puis elle m'a embrassé. J'ai eu un moment d'espoir que je ne peux pas décrire parce que ce n'est pas possible. Je suis resté toute la matinée devant le magasin à attendre. Je ne sais pas ce que j'attendais. Parfois la bonne femme me souriait et je restais là avec mon oeuf à la main. J'avais six ans ou dans les environs et je croyais que c'était pour la vie, alors que c'était seulement un oeuf."


Époustouflant non ? La fragilité tragique de l'enfance en quelques lignes. On croirait voir le regard étonné au-dessus de la petite salopette rouge qui ne sont pourtant pas évoqués. Ce génie de l'auteur qui crée sans nommer.

Les accès d'humanité de Romain Gary peuvent submerger. Trop bon. Émouvant comme une image, presque comme une odeur.

J'en ai eu peur de continuer à le lire. Comme lorsque l'on fuit un amour trop passionnel. J'ai pourtant replongé (autre expression consacrée) dans la Promesse de l'aube, ouvrage qui m'énervait à plus d'un titre. À cause de son titre justement, que je confonds systématiquement avec les Promesses de l'ombre, de David Cronenberg. Rien à voir nous sommes d'accord. Justement.

Ensuite en raison du sujet: l'amour immodéré d'une mère pour son fils, quand on est une fanatique de Psycho, on se méfie.

Par exemple, je n'ai pas su comprendre le Livre de ma mère de Cohen (qui a aussi écrit Belle du Seigneur, que je confonds sans cesse avec Belle de Jour de Kessel, que je recommande). BREF.


La Promesse de l'aube raconte une folie, j'oserais même dire un craquage de mère. Lorsque le jeune Romain a treize ans par exemple, sa mère lui explique qu'il sera "Victor Hugo, Prix Nobel !" (facile !) et qu'il doit donc trouver un pseudonyme. "Un grand écrivain français ne peut porter un nom russe. Si tu étais un virtuose violoniste, ce serait très bien, mais pour un titan de la littérature française, ça ne va pas"

Je vous laisse juge. Une mère qui pèse pour le moins. Comme l'admettra l'auteur: "elle avait des yeux où il faisait si bon vivre que je n'ai jamais su où aller depuis." Je le crois.

L'ouvrage est autobiographique évidemment. En même temps, quand on connaît la vie de Romain Gary, aviateur, diplomate, porte-parole à l'ONU, réalisateur et DEUX fois lauréat du prix Goncourt (on n'apprendra qu'après sa mort qu'Émile Ajar, l'auteur de la Vie devant soi était bien Romain Gary et non pas son neveu), on comprend qu'elle soit source d'inspiration.

La mère du petit Romain avait donc raison.

La Promesse de l'aube transperce. Elle adhérera éternellement à votre mémoire. La "surprise" finale (ceux qui l'ont lu, chut, ne dites rien !) hantera le reste de vos jours.


Auteur de l'amour tendre, de l'espérance humaine qui souffre et attend, Gary réconforte en nous faisant sourire. S'il vous plaît, lisez-le. Le bouleversement du coeur, il n'y a pas plus sain pour l'âme.





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