J'aime lire. J'adore lire. Je lis tout le temps. Je ne pourrais jamais faire Koh-Lanta parce que les livres y sont interdits.
Or, visiblement, cette addiction ne concerne pas l'ensemble de la race humaine. C'est fou je trouve... Mais cela explique peut-être ces drames intimes que j'ai très souvent le sentiment de vivre seule. Genèse.
Les questions habituelles (classées de la plus mignonne à la criminelle):
-"Tu lis quoi ?"LA question. Comme si vous pratiquiez un sport illicite. Posée sur le mode "J'te crois pas ! Personne lit. Tu mythonnes (ce mot n'existe pas non plus ??? C'est dingue. Désormais, je soulignerai les mots qui n'existent pas. Ils le méritent je trouve.) Pas cap de me citer un titre en vrai".
Alors je réponds. Je lis plusieurs livres en même temps. Là la personne transpire. Vous êtes un OLNI. Elle l'aura voulu.
-"Pourquoi tu lis ?" "Pour pas mourir". Forcément ça jette un blanc. La personne panique. Elle l'aura voulu.
-"Tu trouves pas que c'est complètement abruti comme roman ?" Au sujet de votre bouquin préféré. Vous ne répondez pas. La personne sourit bêtement. Vous ne répondez pas. La personne s'éloigne doucement, sans faire de bruit. Vous ne lui répondrez plus. Jamais.
Les actes interdits (du plus criminel à l'acte carrément psychopathe):
-faire tomber le marque page de votre livre: généralement cela arrive sur un de ces bouquins miracle dans lesquel il ne se passe rien mais que tu ne lâches pas avant la fin. Type Mrs Dalloway ou Mme Bovary (la moindre critique sur l'un ces deux chefs d'oeuvre, même infime, et c'est le retrait immédiat de mon merveilleux blog les copains). Toi, paniquée sur le bord du quai: "j'en étais où au fait: quand elle sourit ou quand elle se parle à elle-même ?". C'est mort. Vous ne retrouverez pas votre page. Personnellement, j'ai régulièrement envisagé de balancer le fautif sur les rails du métro. La lecture des livres est autorisée en prison (ce qui me permet d'affirmer avec un bel à-propos que Koh Lanta est pire que la prison).
-ne jamais me rendre l'un de mes livres. Que je ne prête pas d'ailleurs. Parce qu'ils sont annotés. Que je les aime. Ce sont mes amis. Vous seriez donc coupables de vol. Au Moyen-âge, on vous aurait coupé la main. Et n'oublions pas que je suis historienne de la Révolution française, période bien plus hardcore que le Moyen-Age. Robespierre est mon Dieu.
-Jeter un livre sous mes yeux. Alors Ça !!! Ça !!!.... C'est le Mal. On ne jette pas les livres. Aucun. Même ceux d'Anna, Marc ou Guillaume. Leurs titres seuls vous feraient remettre en question le bien-fondé de l'imprimerie mais n'oublions pas qu'ils font lire la France ! Alors ? Hein ? Dis donc. Tu poses le livre lentement à côté de la poubelle et tu gardes les mains en l'air.
Les concepts infâmes (qui méritent tous mon mépris et leur accent circonflexe sur le A):
-"Lire ne sert à rien." Survivre non plus. Tire toi une balle.
-"Lire abîme les yeux." Ne pas lire abîme le coeur.
-"Tout le monde n'aime pas lire." C'est vrai. Tout le monde n'aime pas aimer en général.
